je suis unique, tout simplement. je me différencie des autres par de nombreux points, le premier est le plus évident selon moi : mon prénom « Théonie ». très (voir trop) original à mon goût. je l'aime et je le déteste en même temps, il symbolise à la fois tout et rien.

candice : « « Théo », je veux que ce bébé s'appelle « Théo »

candice, ma mère a toujours aimé les prénoms simples et rapides. ce qu'elle ignorait à cette époque c'est qu'elle attendait une fille et non un fils comme son gynécologue ne faisait que de lui rappeler. ce dernier devait d'ailleurs être complètement aveugle, avec les appareils de maintenant je suis surprise qu'on puisse encore se tromper sur le sexe du bébé lors des échographies ... et pourtant ! passons, je me fous royalement de son gynécologue après tout. déjà dans le ventre de ma mère j'étais un bébé dynamique, je ne cessais de lui donner des coups et ma mère n'eut pas une grossesse facile. d'ailleurs par précaution, elle dût accouchée avant terme. précautions ... mon oeil ! l'incompétence du médecin coûta le vie à ma mère.

Frederick : « Mais enfin pourquoi « Théo » c'est trop simple... tu ne préfères pas plutôt un nom moins courant comme « Jules » ou « Benjamin » ? »
Candice : « Non, c'était le prénom de l'amant mon arrière-arrière-arrière grand-mère, quand elle a vécu 15 ans en France. Tu sais que j'adore ce pays. C'est un peu un hommage que je lui fais. Et tu sais que j'ado... »

Mes soient disant « heureux parents » discutaient tranquillement dans la salle d'accouchement quant ma mère tomba subitement dans les pommes. Impossible d'expliquer pourquoi, je pense que je ne le saurais jamais. Mais voilà, avec le manque d'effectif une infirmière mit plus de cinq minutes avant de se déplacer, cinq minutes de trop si vous voulez mon avis. Je vous passerais les détails, mais cette nuit là ne se passa pas du tout comme l'espérer mes parents. Les médecins m'ont sauvé la vie au prix d'une terrible perte : ma mère. Elle décéda autour de deux heures du matin, pendant ce temps on transportait le petit bébé fragile que j'étais dans une couveuse et mon père apprenait la terrible nouvelle.

Je rencontrais mon géniteur que trois jours après ma naissance, trop triste il n'avait pas osé venir me voir plus tôt. Il décida de changer légèrement mon prénom de façon à ce qu'il soit plus féminin, la dernière volonté de Candice devait être exécuté.
Il aurait pu m'appeler « Théa », mais c'était le nom du chien de ma grand-mère, alors ça foutait un peu mal ! Je vois bien le truc : « Salut, maman, je te présente Théa, ma fille.. Ouai, le nom de ta chienne, j'ai trouvé que ça lui aller bien ! »
Plus sérieusement, à l'époque mon père n'avait pas vraiment la tête à ce genre de connerie, il avait perdu sa femme, celle avec qui il avait partagé six années de sa vie et l'heure n'était pas à ce genre de plaisanterie, au contraire, ce fût plutôt une période morose et triste... Alors choisir un prénom convenable à son enfant était le dernier de ses soucis !

J'aurais pu devenir une sale garce en manque de sa mère en grandissant et mon père aurait pu me détester d'avoir "tuer sa femme", mais mon histoire ne se déroula pas du tout comme ça. Je suis comme mon père, je ne veux pas de la pitié des autres, je n'ai pas peur de leurs regards désolés et gênés quand ils apprennent que ma mère est partie dans ce merveilleux pays dans les étoiles. Non, avec mon père nous avons marché pas-à-pas, ensembles, à notre rythme, les débuts furent difficiles, mais au fil du temps une routine a fini par s'installer.

Fredérick : « Je rentrerais tard ce soir. Sois sage surtout ! Bisous, ma puce. »

J'aurais volontiers ajouter un « Ouai, comme d'hab' ! », mais la mesquinerie n'est pas vraiment mon truc. Je laissais donc mon père me poser un léger bisous sur le front, tandis que je m'installais sur une chaise, prête à prendre un bon petit-déjeuner. A la mort de ma mère, mon père s'est donné corps et âme dans son travail. A la base, le jeune couple d'ingénieur qu'ils étaient, avait fondé une petite entreprise d'informatique, créant des programmes divers et variés, mais à force de s'acharner ainsi, mon père est désormais à la tête d'un vrai petit empire. Je pense que c'est un moyen pour lui d'oublier, de se sortir tout cela de la tête.
Dans le fond, je le comprends très bien. Moi aussi, j'ai trouvé mon occupation : le dessin. Fille unique avec un père assez absent (mais qui avait toujours un peu de temps à m'accorder), j'ai dû trouver un loisir. Comme tous les enfants, j'ai commercé par des gribouillis, sans queues ni têtes et pourtant si vous entrez dans le bureau de mon père vous en verrez une bonne dizaine de mes "chefs- d'oeuvres" accrochés aux murs. Avec le temps j'ai acquis de l'expérience et je peux passer des heures à faire des croquis de tout et de rien, juste en regardant par la fenêtre de ma chambre, la rue en bas de l'immeuble s'activer. Ne pensez pas, que je suis solitaire, non ce n'est pas du tout le cas. Mais j'aime ses moments où je me retrouve avec moi-même et où je me déconnecte complètement de la réalité.

Mes amis, ce sont des tarés, on a fait plus d'une connerie ensemble, mais à les entendre je suis la plus folle de la bande. Celle qui peut débattre sur le cu d'une poule pendant des heures, en trouvant des arguments plus étranges les uns que les autres, celle qui entre la première dans une piscine publique le soir alors qu'elle est fermée et qui saute dedans toute habillée, sans s'occuper s'il y a un gardien ou non, celle qui chante à cinq heures du matin des comptines pour enfants lors des soirées trop arrosées... Moi, je pense juste que je vis tout simplement ! Ma mère est morte alors qu'elle n'avait que vingt-cinq ans, alors je veux profiter de chaque instant, car je sais combien la vie est précieuse et fragile.
Alors, oui, je profite de ma vie. Et comme toutes les personnes de mon âge il arrive que je fume, que je bois, ou que je couche avec des mecs de temps en temps quand l'envie me prend, mais qui pourrait m'en blâmer ? Je suis moi et il n'y a rien de mal là-dedans.

Ma vie prie un autre tournant à l'âge de dix-sept ans. Mon père devait partir à l'étranger pour son travail, ne trouvant personne pour me surveiller, je finis par l'accompagner. C'est ainsi que je me retrouvais en Australie. Le lendemain de notre arrivée il me présenta son partenaire australien, au fil de la discussion, celui-ci eu l'idée de me présenter son fils : James. Il avait deux ans de plus que moi et c'était un beau jeune homme brun, grand, musclé, a priori tout pour le plaire, mais à l'époque j'avais déjà un copain. Nous nous sommes tout de suite bien entendu. J'ai passé quinze jours de rêve, il me fît découvrir son pays, il m'a même appri à surfer ! Bref, des vacances de rêve pour ainsi dire. J'avais vite compris que James était un petit futé, il avait un vrai don pour découvrir le mal-être des autres ou leur peine cachée et je dois dire que je ne m'attendais vraiment pas à ce qu'il me "découvre" autant.
Un soir alors que nous étions sur la plage en train de regarder le couché du soleil avec un ami, à lui, il finit par me surprendre et me prie complètement au dépourvue :

James : « On ne me la fait pas à moi... »
Théonie : « Pardon ? »
James : « Je le vois bien, dans ton regard. Au fin fond on y voit de la peine avec un peu de peur aussi, tu auras beau les masquer, je les vois quand même, sous tes airs de déconneuse... »
Théonie : « Arrêtes tes conneries de maître vaudou ! Dans mes yeux tu vois que dalle ! »
James : « Tu es sûr? »
Théonie : « Mais merde James à quoi tu joues là ?! C'est bon tu as gagné, je me casse ! »

Je m'étais emportée, je n'avais pas du tout apprécié cette impression qu'il lisait en moi comme dans un livre ouvert. Oui, j'ai peur de la mort, car la vie ne tient qu'à un fil, oui, j'ai de la peine, car j'aurais aimé connaitre ma mère, mais j'ai beaucoup trop de fierté pour me plaindre ! Alors, l'entendre dire des choses si vraies sur moi, m'a fait perdre les pétales.
Le lendemain, mon père m'informait qu'on retournerait à Londres dans deux jours et j'ai donc passé mes derniers moments en Australie, à éviter soigneusement James. J'ignore si c'était par crainte ou par fierté, je sais juste que le jour de mon départ, il était là près de la file d'attente et que j'ai fondu en larmes dans ses bras.

James : « Je te promets qu'on se reverra. »

Deux ans ont passés et je suis toujours sans nouvelles de lui, pourtant il n'a pas quitté mes pensées. James a été la seule personne qui a su lire cette détresse dans mes yeux. Et grâce à lui j'ai fait d'énormes efforts pour vivre mieux sans la présence de ma mère, je me suis fait à l'idée que je n'y étais pour rien et que même si je ne la connaitrais jamais, j'avais un père exceptionnel qui n'a jamais remis en cause mon existence.

James me manque énormément, il ne se passe pas un jour sans que je pense à lui, alors que lui doit certainement m'avoir oublié, depuis le temps. Cependant, j'ignore encore qu'il est rentré cette année dans la même université que moi. Cette première année promet d'être intéressante !